Anita Conti

Balades insolites – à la recherche de nos célébrités disparues

Ce sont des talents douarnenistes certes disparus, mais leurs destinées sont extraordinaires.

Ce sont des talents douarnenistes certes disparus, mais leurs destinées sont extraordinaires. Nombre d’entre eux reposent à Ploaré et au cimetière marin de Tréboul, l’un des plus jolis de France. Une balade à la recherche de ces célébrités vous révèlera leurs parcours insolites. Suivez le guide.

Ploaré

© Jean-Pierre Benard

Ploaré, cimetière urbain enclos de hauts murs sertis de pâquerettes des murailles, est doté d’un portique monumental en granite. Classé Site patrimonial remarquable, il est sculpté d’une veuve bretonne éplorée, déchirée par la Grande Guerre.

Jean-Marie Le Bris, pionnier de l’aviation

© Mikaël Restoux Creative commons

Né en 1817, Jean-Marie Le Bris est maître de cabotage à 26 ans. Lors d’un tour du monde, il observe les prouesses des oiseaux de mer et échafaude ses principales idées sur le vol plané des plus lourds que l’air.

Dès lors, l’inventeur conçoit L’Albatros, « barque ailée » tirée par un cheval face au vent, et réalise en 1856 un premier envol d’une plage près de Tréfeuntec, non loin de Douarnenez. De Tréboul, il veut rallier l’île Tristan mais chute de son engin. Soutenu par la marine impériale, il tente de décoller à Brest par la seule force du vent. Il meurt à Douarnenez en 1872.

L’aéronef reconstitué du pionnier Jean-Marie Le Bris est présenté à Douarnenez en 2002. Un bas-relief rappelle cet événement au lycée de la ville. Ultime reconnaissance, sa barque ailée est exposée au Musée de l’air et de l’espace du Bourget.

René Laënnec, inventeur du stéthoscope

Creative commons

René Laënnec, humble enfant douarneniste à l’avenir radieux, naît le 17 février 1781. Médecin de génie, chirurgien à 21 ans et thésard à 23, il exerce avec les plus connus : Corvisart, Dupuytren, et enseigne au Collège de France.

Alors qu’il se rend à l’hôpital Necker, il observe des garçonnets aux deux extrémités d’une poutre, l’un grattant le bois, et l’autre, l’oreille collée au bois, en train de l’ausculter. À l’aide d’un cornet de papier, il étudie alors les galops du myocarde, inaugurant le diagnostic médical avant d’inventer le stéthoscope.

Son propre coeur, charitable pour les indigents, s’arrêtera de battre à son tour le 13 août 1826, à l’âge de 45 ans. Plus d’une centaine de rues et divers hôpitaux en Bretagne rendent hommage à ce grand clinicien.

Corentin Celton, Résistant

Né le 18 juillet 1901 à Ploaré, Corentin Celton est infirmier à l’hôpital Saint-Antoine, puis à Issy-les-Moulineaux. Dirigeant syndical, adhérent au Parti Communiste, il est mobilisé en 1939 sur le front belge.

Croix de guerre, il est pourtant poursuivi pour son engagement politique par le régime de Vichy. Passé dans la Résistance, Corentin Celton sert d’agent de liaison.

Arrêté par la police française, livré à la Gestapo, il est fusillé au Mont-Valérien, le 29 décembre 1943. L’hôpital d’Issy-les-Moulineaux et une station de métro à Paris portent son nom. Il a également sa rue à Douarnenez.

Ses derniers mots, héroïques : « Il ne me coûte pas de mourir puisque j’ai la certitude que la France vivra. »

Photo : Jean-Pierre Bénard

Tréboul

Tréboul, l’un des 14 cimetières marins de France, accueille sur ses terrasses aux accents provençaux, les tombes de quelques-uns de nos disparus célèbres. enviable éternité que de contempler les eaux turquoises de la « plus belle baie du monde ».

John-Antoine Nau, premier prix Goncourt

Eugène Torquet naît le 19 novembre 1860 à San Francisco de parents français. À 21 ans il s’engage sur un trois-mâts commerçant avec Haïti et les Antilles. Puis vit en Martinique, Espagne, Canaries, Portugal et publie un recueil de poésies, Au seuil de l’espoir, sous le nom de John-Antoine Nau. En 1903, à trente ans, Force ennemie, oeuvre remarquable et roman d’un parfait inconnu, fait de lui le premier lauréat du prix Goncourt.

Nau, dès lors, alterne régulièrement poésie et roman. D’un caractère sauvage, l’écrivain eut pour amis, peintres, romanciers et poètes, dont Apollinaire. « L’ange des tropiques », épris d’horizons nouveaux, séjourne à Alger, en Corse, revient à Rouen, puis à Tréboul, où il meurt de maladie le 17 mars 1918, à 57 ans.

Anita Conti, la dame de la mer

© Creative commons

Anita Conti, née le 17 mai 1899, est la première femme océanographe française. Écrivain, photographe, cinéaste et biologiste, elle s’impose dans le milieu fermé de la mer et des marins.

Visionnaire, elle s’inquiète dès les années 1940, des effets de la pêche industrielle sur les ressources halieutiques. Elle rapportera près de 45 000 photographies : portraits de moussaillons, mer déchaînée, marins debout sur lit de poissons, cales, passerelles, retour des équipages… « Je suis une femme réussie plutôt qu’un garçon manqué », dira-t-elle.

Elle décède à Douarnenez le soir de Noël 1997, à 98 ans, par une nuit de tempête. Ses cendres ont été dispersées non loin du cimetière marin, depuis le chalutier du Guilvinec Anita-Conti.

Georges Perros, le poète à la moto

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Dès l’automne 1955, Georges Poulot, dit Georges Perros – 32 ans, parisien, comédien, ami de l’acteur Gérard Philippe, poète lassé de ses années de théâtre – se cherche un havre de paix à Douarnenez. Il passe d’une mansarde de la rue Émile-Zola, à une maison de garde du côté de Toul-an-Drez, avant d’accoster, en 1959, avec femme et enfants au dessus du café Bellevue.

Il écrit à plein-temps, chevauche sa moto offerte par Jeanne Moreau jusqu’au cap Sizun, et promène son goût des autres de zinc en zinc. « Vivre, c’est enregistrer. Ce qu’on appelle l’inspiration, ce ne sont que les moments privilégiés où la cire humaine trouve aiguille adéquate », écrit-il dans Papiers collés, vol. 1.

Dans son abri des Plomarc’h, l’écrivain entretient des amitiés épistolaires, dont l’une avec Roland Barthes… Le 24 janvier 1978, le dénuement et un cancer du larynx emportent Georges Perros jusqu’au cimetière Saint-Jean. « La poésie, pour moi, c’est le temps durant lequel un homme oublie qu’il va mourir. »